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Los de la sierra 1936-1975
Dictionnaire des guerilleros et résistants antifranquistes

Le dictionnaire des guérilleros et résistants antifranquistes, tente de répertorier les hommes et femmes de toutes tendances (anarchistes, communistes, socialistes, sans parti) ayant participé pendant près de quarante ans, (1936-1975) souvent au prix de leurs vies ou de longues années de prison et souvent dans une indifférence générale, à la lutte contre la dictature franquiste. Ce travail a été commencé il y a plus de vingt ans par l’historien libertaire Antonio Tellez Sola (1921-2005) en collaboration avec Rolf Dupuy du [*Centre International de Recherches sur l’Anarchisme*] (CIRA).

FLORES MARTÍNEZ, Pedro « EL MALAGUEÑO »
Né à El Malagueño (Argentine) en 1915 - mort en 2001 - FIJL - MLE - CNT - Manresa (Catalogne)– Lyon (Rhône)
Article mis en ligne le 26 février 2008
dernière modification le 10 novembre 2023

par R.D.

Arrivé à Manresa à l’âge de 7 ans, Pedro Flores Martínez avait commencé à travailler dès l’âge de 10 ans comme aiguillier, puis dans le textile jusqu’en 1933 où il était entré à l’usine Pirelli. Adhérent à la CNT depuis 1931, il participait en février 1934 à la fondation de la Fédération Ibérique des jeunesses Libertaires (FIJL). En avril 1935 il était délégué de Manresa au 1er pleno de la FIJL du Haut Llobregat, tenu dans le bois de Las Marcetas, et en mai était nommé secrétaire du comité comarcal.

En septembre 1936 il était milicien dans la Colonne Tierra y Libertad et combattait sur le front du centre. Après la militarisation de la colonne (devenue 153° Brigade Mixte) il participait aux batailles de Belchite, Carrascal et restait sur le front d’Aragon jusqu’en 1938 où il démissionnait de son poste de Commissaire de compagnie pour protester contre les manoeurvres communistes.

Exilé en France lors de la retirada, il était interné au camp de Saint Cyprien : « C’est le 7 février 1939 que nous sommes arrivés à la plage de Saint Cyprien où étaient rassemblés les vaincus. C’était alors une plage de sable entourée par des troupes coloniales françaises –arabes et sénégalaises- qui en fixaient les limites, tandis que les gardes mobiles se chargeaient de la surveillance intérieure. C’était un véritable chaos où celui, qui par malheur n’était pas intégré à un groupe et à qui manquait la capacité d’affronter la situation, n’avait plus qu’à mourir de faim, dévoré par la vermine….il y en avait des milliers qui, pour dormir, se creusaient un trou sur la plage, se couvraient d’une couverture et qui au matin disparaissaient sous le sable amené par le vent…De nourriture il n’en fut pas distribué avant plusieurs jours, après qu’on ait distribué à chaque unité militaire un peu de charbon et un chaudron. Résultat, les jours des mistral, et il soufflait pratiquement tous les jours, il y avait tellement de sable dans les lentilles que c’était vraiment désagréable de mastiquer…Dans la garde mobile il y avait de véritables brutes qui se réjouissaient de cette situation, quand ils ne maltraitaient pas les réfugiés. Beaucoup étaient arrêtés sans raison, par un simple caprice et condamnés à plusieurs jours au pain et à la morue dans un enclos de fils de fer barbelés qui servait de prison et avait été baptisé par les réfugiés el hipodromo ou el picadero. D’autres et pour le prétexte le plus futile étaient envoyés au fort de Colioure qui avait été à l’occasion habilité en camp disciplinaire…La première chose que firent les cénétistes à l’entrée dans les camps fut de s’organiser…D’abord se formèrent les comités d’ilôts –un ilôt représentant une portion de terre entourée de barbelés – et avec tous les ilôts on formait un comité de camp. Une première tâche consista à se mettre en contact avec l’organisation à l’extérieur. Puis furent formées des délégations chargées des recherches familiales et une délégation sanitaire pour aider les compagnons malades » (Témoignage de P. Flores). Puis en août Pedro Flores était transféré au Barcarès dont il s’évadait en novembre 1939.

Début 1940 il travaillait dans l’agriculture à Cordes et légalisait sa situation. Pendant l’occupation il organisait un groupe de résistance dans le Lot : « Dans les divers maquis apparus partout en France, il y avait souvent près de 50% d’espagnols. Certains groupes étaient même totalement espagnols encadrés par l’Union nationale espagnole (UNE)…Les hésitations de la CNT à entrer ou non dans la résistance, empêchèrent la formation de groupes importants de guérilleros libertaires et favorisèrent la politique des communistes qui, profitant du manque d’informations du à la clandestinité, et affirmant représenter à travers l’UNE l’ensemble des forces politiques et syndicales espagnoles, encadrèrent des formations de guérilleros qui étaient en majorité composés de non communistes…D’autres compagnons mieux informés agirent dans le cadre de groupes français. Ces groupes généralement commandés par un militaire français, étaient formés de militants affinitaires…Il y avait deux de ces groupes dans le département du Lot. Le premier composé majoritairement par des compagnons de Fumel et où il y avait entre autres Gabriel Barragan, « Paco », « El Peque » et d’autres dont je ne sais plus les noms, opérait aux confins du département et dans la zone de Bergerac (Dordogne). L’autre groupe était formé en majorité par des compagnons aragonais réfugiés dans la région de Cahors…Le groupe de Cahors, qui comptait de 8 à 10 hommes et eut jusqu’à 14 membres, s’était subdivisé pour des raisons de sécurité. Parmis ses membres il y avait Ric et son neveu qui était originaire de Binéfar (Huesca). Tous deux avec trois autres compagnons, avaient choisi comme base le bois où ils travaillaient comme bûcherons, et c’est la nuit que le groupe, en totalité ou en partie, participait à des opérations diverses : parachutages, sabotages, appui à d’autres groupes, actions de diversion lors des opérations de répression menées par la milice ou les allemands »(ibid.). Suite à une opération de la milice le groupe se replia dans le département du Gers : « En dehors de la déportation de Ric et de "El Vasco" le groupe n’avait eu à déplorer que deux blessés légers dans des opérations contre les allemands : l’un à Bergerac (Dordogne) et l’autre à Mauroux (Lot)". Puis en juin 1944 le groupe s’intégrait dans le Gers à une Brigade de l’UNE commandée par le communiste Tomas Guerrero Camillo : « … Au sein de l’UNE les libertaires étaient organisés en tant que confédéraux. Si bien que sur les 300 hommes que comptait aproximativement la brigade, 140 d’entre eux étaient libertaires…On a demandé à plusieurs reprises que le Comité national de la CNT (Juan Manuel Molina et Paulino Malsand Blanco) de favoriser l’intégration de plus de compagnons dans cette brigade afin d’y avoir la majorité, puis de la dominer, ce qui nous semblait la meilleure tactique pour marginaliser les communistes. Le Comité national conseilla, ni plus ni moins, de quitter l’Union nationale sans évaluer les conséquences et les séquelles d’une telle attitude. Abandonner la brigade signifiait abandonner les armes et le matériel : le responsable des transports (10 camions) était un cénétiste tout comme le capitaine de l’Etat-major, plusieurs responsables de la seconde section et ceux d’autres unités. D’autre part il faut tenir compte de l’état d’esprit de ces jeunes compagnons : leur demander de regagner leurs foyers, les mains vides, d’abandonner leurs mitraillettes aux communistes, représentait bien plus qu’une déception, c’était une espèce de trahison de la trajectoire historique du mouvement libertaire espagnol…Cela nous semblait comme d’abandonner la libération de l’Espagne aux communistes… ». A l’automne 1944 Pedro Flores participait avec un bon nombre de compagnons de cette Brigade aux opérations d’invasion du Vall d’Aran organisées par l’UNE.

Rentré en France après l’échec de l’opération Reconquista de España, il était membre de l’Intercomarcale CNT du Haut Llobregat et Cardoner en exil et après de brefs séjours à Marseille et Toulouse, allait travailler aux mines de Puymorens (Pyrénées-Orientales) à 2kms de la frontière de l’Andorre. Pedro Flores Martinez El Malagueño servait alors d’agent de liaison et de guide aux délégations passant d’Espagne en France. L’isolement de la mine permettait d’héberger de nombreux compagnons et aussi de constituer des dépots d’armes et d’explosifs récupérés sur les chantiers. Il était également chargé de faire passer la correspondance et l’argent destiné aux emprisonnés.

En 1949 il s’intallait près de Lyon, à Millery. Il a occupé de nombreux postes dans le mouvement de l’exil dont secrétaire de la FL d’Hospitalet (près d’Andorre), secrétaire de propagande de la région Rhône-Loire, secrétaire de la FL de Lyon-Oullens, membre de la Junte de l’Aténéo Cervantes, etc., et a été délégué à de nombreux congrès et plenums. Il a collaboré à la presse de l’exil dont Boletin Del Ateneo Cervantes, au Travailleur Libertaire et à la réédition de l’Encyclopédie anarchiste.
Tour à tour paysan, docker, maçon, mineur.il avait dû cesser de travailler en 1973 après une attaque cardiaque. En 1971 il participait à la réorganisation de la Comarcale du Haut Llobregat en exil.

A la mort de Franco il retournait à Manresa où en 1979 il était le secrétaire de l’Amicale des anciens miliciens des colonnes confédérales du Haut Llobregat et Cardoner.En 1983 il s’installait à Aguilas et collaborait à de nombreux titres de la presse libertaire dont la revue Polemica et participait au Bulletin du CIRA Marseille sur les anarchistes espagnols dans la tourmente (1989).

Pedro Flores Martinez est mort à Coulanges-les-Nevers (Nièvre) en 2001.

Œuvres : -"Las luchas sociales el el alto Llobregat y Cardoner" (Barcelone, 1981) ; -numéro monographique de Ruta : "Ramon Vila Capdevila apoteosis de la accion" ((Caracas, 1980) ; - "Tipos Manresanos 1" (Barcelone, 1995) ; - "Tipos Manresanos 2 ».


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