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Los de la sierra 1936-1975
Dictionnaire des guerilleros et résistants antifranquistes

Le dictionnaire des guérilleros et résistants antifranquistes, tente de répertorier les hommes et femmes de toutes tendances (anarchistes, communistes, socialistes, sans parti) ayant participé pendant près de quarante ans, (1936-1975) souvent au prix de leurs vies ou de longues années de prison et souvent dans une indifférence générale, à la lutte contre la dictature franquiste. Ce travail a été commencé il y a plus de vingt ans par l’historien libertaire Antonio Tellez Sola (1921-2005) en collaboration avec Rolf Dupuy du [*Centre International de Recherches sur l’Anarchisme*] (CIRA).

FERNÁNDEZ VILLANUEVA, Marcelino « GAFAS »
Né à Olloniego (Asturies) le 10 mars 1914 - mort en 1999 - Mineur - PSOE - UGT - Olloniego - Federacion de guerilas Leon Galicia -Oviedo (Asturies- Leon & Lugo & Orense (Galice) – Buenos Aires (Argentine)
Article mis en ligne le 13 février 2008
dernière modification le 10 novembre 2023

par R.D.
Marcelino Fernandez Villanueva "Gafas"

C’est en 1931 que Marcelino Fernández Villanueva avait adhèré à l’UGT, puis l’année suivante avait fondé les Jeunesses Socialistes d’Olloniego. En 1933 il était nommé secrétaire du syndicat SOMA-UGT d’Olloniego. Fin 1934 il était condamné à 90 jours de prison pour avoir blessé un phalangiste lors d’une altercation. Libéré en septembre il participait à la révolution d’octobre où avec un groupe de mineurs, dont Amador Pelle, il prenait d’assaut la caserne de la Guardia Civil. Arrêté après l’échec du mouvement, il perdait son oeil droit sous la torture, ce qui lui valait son surnom de Gafas. Amnistié, il était libéré en juin 1936, et en juillet faisait partie du groupe de mineurs asturiens qui partait pour Benavente pour défendre la République.

Nommé capitaine de la 1ère Compagnie du Bataillon milicien n°217, formé par des militants d’Olloniego, il refusait dans un premier temps le poste, se considérant comme trop jeune. Il était ensuite nommé commissaire politique du PSOE dans la brigade commandée par le militaire professionnel Mateo Antoñanzas, et combattait à Bilbao puis aux Asturies. Il a été ensuite professeur à l’Ecole des commissaires de Santander, mais demandait à retourner au front. Nommé commissaire de la 5° Brigade Mobile commandée par le communiste Alonso qu’il fera renvoyer pour incompétence, il a été ensuite nommé responsable de la Brigade avec le grade de commandant. Après la chute du front nord, il gagnait directement la montagne et se cachait dans la zone d’Olloniego. Repéré par les forces de répression, il s’enfuyait après avoir blessé trois phalangistes. En représailles les fascistes exécutaient quinze habitants d’Olloniego, parents ou amis du Gafas. Fin 1939 il décidait de passer au Potugal avec Aladino González, Amador et Benjamin Pello, Angel Rodríguez Saldaña, Luis Gómez Bueno Pambarato, Ovidio González Pollón et Tomas Fernández Capitán Fantasma, tous natifs d’Olloniego.

Par groupes de deux ils gagnaient la zone frontière, passaient au Potugal où ils étaient tout de suite accrochés par la Garde portugaise. Ils décidaient alors de retourner en Espagne. A marche forcée ils gagnaient les monts du Casaio et entraient en contact avec le groupe dirigé par Manuel Girón Bazán Girón, Marcelino de La Parra Casas et Abelardo Gutiérrez. Puis Gafas et ses compagnons continuaient leur voyage vers les Asturies. Il attaquait le village de Villavieja, près de Ponferrada, récupèrait de l’armement, mais était blessé avec Benjamin Pello dans l’affrontement tandis que le guérillero Angel Rodríguez Saldana était capturé puis brûlé vif par les forces de répression. Blessé à la jambe, Gafas restait alors dans la zone de La Cabrera avec Manuel Girón. Une fois rétabli il gagnait la zone de Casaio avec Manuel Girón et Marcelino De La Parra et participait à l’organisation militaire des groupes de fugitifs nombreux dans la région.

En juillet 1940 il faisait partie d’une importante expédition au Portugal en plusieurs groupes. Son groupe qui comprenait Gilberto Cuadrado Soto, Luis Gómez et les frères Saturnino et Manuel Rodríguez Fernández, alors qu’il se dirigeait en taxi vers Oporto, était intercepté par la Garde Républicaine. Il parvenait à s’échapper, mais Gilberto Cuadrado était tué, Luis Gómez blessé et Manuel Rodríguez Fernández était capturé. Les autres groupes n’auront pas plus de chances et les rescapés décideront de retourner en Espagne, ce qu’avait déjà fait Gafas. Il allait dès lors devenir un des chefs charismatiques de la guérilla léonaise et créer les premières structures organisationnelles.

A l’été 1941 il formait avec Manuel Girón Bazán, une "Direccion Ambulante" chargée d’organiser les premiers groupes et de les coordonner. Ces groupes étaient alors essentiellement formés de socialistes et de cénétistes.

En avril 1942, aux monts Ferradillo, près de Ponferrada, il participait avec vingt quatre autres chefs guérilleros à la fondation de la Federación de Guerrillas de Leon-Galicia (qui durera jusqu’en 1946). Il y était élu président du Comité Directeur et avait pour adjoints Marcelino De La Parra Casas (CNT), Mario Morán Garcia et César Ríos Rodriguez (UGT). Cette direction était mobile et allait de groupe en groupe agissant selon les circonstances, coordonant et centralisant l’activité des divers groupes. Une de ses bases était au début l’arrière salle d’un bar de Santalla, district de Ponferrada, propriété du militant Angustias Vidal, où se tiendront de nombreuses réunions. Le Comité directeur allait développer toute l’infrastructure de la guérilla : agents de liaison, milices rurales et même un Service d’information Républicain (SIR) chargé de recueuillir le plus d’informations possibles sur les forces de répression. Le réseau ainsi développé en particulier dans les zones du Bierzo et de La Cabrera, reposera sur l’appui des populations locales et permettra à la guérilla une grande liberté de mouvement.

Marcelino Fernández Villanueva Gafas qui était aussi membre du comité exécutif du PSOE des Asturies allait également développer les contacts avec les groupes asturiens ; mais ces contacts ne déboucheront pas, les asturiens se montrant plus favorables à l’action politique que militaire, et à la formation de groupes strictement socialistes et non unitaires comme au Leon.
Il signait les éditoriaux de l’organe de la Fedération, El Guerrillero (n°1, 1 avril 1943) sous le pseudonyme de Juan Sin Nadie et était reconduit dans ses fonctions au 2° Congrès de la Fedération (1943) comme chef de l’Etat-Major (nouvelle appelation du Comité Directeur).
En 1944 avec Abel Ares et César Rios, il se déplaçait à Lugo pour établir des contacts avec d’autres groupes de la province de Pontevedra et de la zone occidentale d’Orense. Mais, ces zones étaient contrôlées par le Parti communiste et les contacts n’aboutirent pas. A la même époque il pénétrait dans la province d’Orense à la tête d’un groupe de guerrilleros envoyés des Asturies par le socialiste Aristides Llaneza Jove.

Il était à nouveau reconduit dans ses fonctions au 4° congrès de la Fédération, les 10-12 octobre 1944 dans les montagnes de Casaio et signait un communiqué annonçant la création de l’Agrupación Guerrillera et son adhésion à l’Union Nationale. Au 5° congrès (1-2 mars 1945), il restait chef de l’Etat-major, et avait pour adjoint Marcelino De La Parra (CNT) et Francisco Elvira Cuadrado (PCE). Le parti communiste s’était considérablement renforcé, et désormais tant les socialistes que les libertaires devaient s’appuyer sur les apolitiques pour ne pas être débordés. Finalement la Federation qui maintenait les contacts aussi bien avec l’UNE d’inspiration communiste qu’avec l’ANFD d’inspiration socialo libertaire, allait être ammenée à rompre avec l’UNE suite aux manoeuvres du Parti Communiste pour prendre la direction des guérillas : avec l’appui de Marcelino Rodríguez Fernández Marrofer, une troika formée de Antonio Seoane Sánchez Julián, José Gómez Gayoso López et Manuel Fernández Soto Coronel Benito organisait dans ce but la Federación de Agrupaciones Guerrilleras del Noroeste de España comptant 5 agrupaciones, dont la I° était commandée par Gafas. Au printemps 1945 avec l’aide de guérilleros de la I°Agrupación il parvenait à évacuer le matériel radio et d’imprimerie de sa base de Santalla, surveillée par la police et à se mettre à l’abri.

En juillet 1946 il présidait dans la Sierra de Eje un congrès de "réunification" de la guérilla du Léon et d’Orense. Le congrès était attaqué à deux reprises par les forces de répression et c’est Marcelino Fernández Villanueva qui organisait la défense. Ce congrès ratifia l’adhésion à l’ANFD et entérina la rupture avec les communistes, d’autant que deux militants communistes Francisco Elvira Cuadrado et Arcadio Ríos Rodríguez, partisans de l’unité, étaient tués dans les combats avec les forces de répression. La tendance communiste menée par Evaristo González Pérez Rocesvinto et Guillermo Morán García se séparait officiellement de la Fédération le 18 aout. Les militants et sympathisants du PCE quittaient alors le Léon et gagnaient la zone d’Orense.

Fin 1946, Gafas accompagné de Manuel Girón, Marcelino De La Parra et Enrique Oviedo Blanco Chapa se rendait à Lugo pout tenter de discuter avec les responsables communistes et de solutionner les problèmes d’alliances. Il rencontrait Manuel Castro Tellado, responsable de la III° Agrupación de la Federación, et d’autres compagnons de la région. Après avoir contacté les responsables communistes de la IV Agrupación de l’Ejército Guerrillero, une réunion était prévue à Meira. Le 13 janvier 1947, jour de la réunion, Gafas et Castro Tellado étaient accrochés par la Guardia Civil : Castro Tellado était tué dans l’affrontement tandis que Gafas parvenait à s’échapper après avoir blessé deux gradés de la Guardia Civil. Il ne parvenait pas non plus à établir le contact avec les communistes de Lugo. A la même époque il devenait pratiquement aveugle et était soigné par un ophtalmologue envoyé par la guérilla asturienne.

En mars 1948 un plenum de guérilleros était convoqué pour résoudre démocratiquement les divergences de plus en plus grandes entre communistes et non communistes. C’est la ligne du Gafas qui l’emportait à une grande majorité. Peu après deux des responsables communistes qui l’avaient le plus critiqué étaient tués par la Guardia Civil. Certains suspecteront Gafas de n’être pas tout à fait étranger à ces disparitions. Le 25 juin 1948 tandis qu’étaient tués Luis Trigo Chao Guardarrios et sa compagne Antonia Díaz Pérez à Vilanova de Lourenza (Lugo), Marcelino Fernández Villanueva, caché dans une maison proche, parvenait à s’échapper.

Tout le monde lui conseillait alors d’abandonner la lutte armée et il était mis au courant d’un plan d’évacuation des guérilleros asturiens mis au point par Indalecio Prieto. Il était transféré à Mondonedo, puis à San Esteban de Lorenzana où sa nièce Azucena Suárez lui apportera des faux papiers. Le 22 octobre 1948 il fit partie du groupe des 29 guérilleros évacués par le port de Luanco et qui débarquait le 24 à Saint Jean de Luz où ils étaient arrétés par la police française. Parmi ces guérilleros il y avait entre autres Aquilino Bayón Rodríguez, José Mata Castro, César Rio Rodríguez, Aristides Llaneza Jove et Manuel Fernández Peon. Marcelino Fernández Villanueva a émigré ensuite en Argentine où à Buenis Aires il a été président du PSOE.

A son retour en Espagne en 1978, il a tenté de récupérer les archives de la Federacion qui avaient été enterrées près du village de Carucedo, mais tout était pourri.

Marcelino Fernández Villanueva Gafas est mort en Argentine en 1999.